Ce que j’ai à vous dire...

Samedi 30 décembre 2023

Aujourd’hui encore, je me dis que je devrais écrire plus de fiction, parce que ça me manque. Que ce soit ici, sur le site, ou sur YouTube, avec de la musique pour dire autre chose que la poésie. Il y a un truc qui me titille. Une urgence, un besoin de faire sortir la boule à l’intérieur, ou de moi-même sortir de la bouche baveuse du monstre.


La pire erreur que j’ai commise, malgré tous les encouragements à penser le contraire de tout un tas de personnes bienveillantes, a été de vouloir entrer dans l’Éducation Nationale et d’y travailler. Ça m’a littéralement détruit. Elle m’a lessivé, dépecé, avalé et mal digéré. Heureusement pour moi, elle a fini par me vomir.


J’ai souvent dit que ce que j’avais mal vécu dans l’EN, c’était le fait d’avoir à me fondre dans un moule, d’en épouser les rebords sans laisser dépasser un seul fruit par le haut (je ne l’ai jamais dit comme ça, mais c’était l’idée). Non, c’est bien pire, je me suis imbibé d’essence tout seul, mon ancien employeur n’a eu qu’à allumer un briquet.


Je suis ressorti de cette expérience littéralement brûlé, dégoulinant de pus là où ma chair n’avait pas vrillé en charbon. J’en avais déjà plus ou moins conscience, mais ça fait partie des choses qui m’ont éclaté en pleine figure depuis que j’ai eu mes diagnostics de TSA et de TDAH.


Si je suis tout à fait d’accord sur le fait que pour obtenir de l’aide sur des difficultés précises, un diagnostic n’est pas très important, c’est surtout l’identification de ces difficultés qui l’est, le fait de pouvoir dire et expliquer ce qui dans une vie n’aura été qu’un lent et vaste malentendu a aussi son importance. Mon TSA et mon TDAH ne datent pas de mon histoire dans l’EN. Mais je n’ai jamais autant cherché à étrangler ce que je suis, jusqu’à en étouffer.


J’ai oublié la musique, été incapable d’en écouter pendant plus de dix ans. Dix ans où la musique était douloureuse. Incapable de m’allonger une heure, juste pour écouter une symphonie, un quatuor, ou autre chose. Quand je suis trop fatigué, trop stimulé, je sens encore cette douleur. Tous les sons se mélangent, plus rien ne fait sens, la musique n’est plus qu’un amas de bruits désagréables. Une partie de moi s’effondre. Je dois renverser le sablier, mais l’effort pour le soulever est insoutenable.


Aujourd’hui le sablier est moins lourd et le sable met plus de temps à s’écouler. J’en ai beaucoup à rattraper. J’ai perdu la mémoire, mes obsessions se sont transformées en culpabilité, en regrets, en colère sourde et grinçante à la fois, comme la musique que je n’arrive pas à écouter.


"Aujourd’hui je serai normal, aujourd’hui je serai normal, aujourd’hui je serai normal". C’est ce que je me suis souvent répété avant de vous dire bonjour, avant de partir de chez moi, avant tout sorte d’interaction sociale dont je ne peux sortir qu’abattu, l’épée sous la gorge. Ce n’est pas toujours vrai, mais je ne m’en rends compte qu’après. une rumination interminable, parfois anxiogène, mais parfois juste nécessaire pour mettre les choses en ordre, les comprendre.


Je frôle un second burn out. Après un diagnostic, notamment d’autisme, il est assez courant de faire un burn out lié à la compensation. Je pense y avoir échappé, notamment grâce au fait d’avoir tout à fait conscience de ce risque. Mais malheureusement, je n’ai encore rien changé dans mes habitudes. Je continue à gaspiller mon énergie, à me persuader que je n’ai pas de handicap et qu’il n’est pas nécessaire d’en parler et encore moins d’en tenir compte. Je n’ai même pas pris de vacances.


"Oubliez-moi, faites comme si je n’étais pas là. Je n’ai pas besoin de votre aide."


Je suis infantilisé, perçu comme idéaliste, à côté de la plaque. Encore une fois, je dois me plier à des exigences, des codes, des attentes que je ne comprends pas, dont je ne veux pas. Encore perdre des années de ma vie à entendre me dire comment je ne dois pas vivre, qui je dois suivre, ce qui est le mieux pour moi. Ce qui est le mieux pour moi m’a fait rouler en bas de la pente et je n’ai pas fini de la remonter.


J’ai une pensée spiralaire. Je cogite sur un sujet, je fais une boucle en allant vers un centre, en brassant de plus en plus de données, en les resserrant, les agglomérant pour établir les connexions, faire briller les fils, leur attribuer les bonnes couleurs. À la fin, il est possible que je finisse par comprendre quelque chose. Au moins, j’aurais parcouru la lumière, tout n’est pas perdu.


Je me répète, j’agglomère. Je dois vous parler de mon autisme pour faire sauter les bandages de mon corps momifié. Je dois me réhydrater, établir de nouvelles connexions, en détruire d’autres. Faire craquer la carapace et fondre les soudures. Je vais forcément me brûler et me faire mal.


J’ai peur que vous ne me regardiez plus comme avant.

J’ai peur que vous me regardiez comme avant.

Gandalf, par John Howe

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